Thématique 1 - Industries culturelles, éducatives et créatives : reconfiguration des secteurs et logiques émergentes
Responsable : Philippe Bouquillion
Responsable adjointe : Christine Chevret-Castellani
Au sein de la thématique 1, les travaux menés sont centrés sur l’industrialisation de la culture, de l’information et de la communication ; sur les modèles socio-économiques des industries culturelles, éducatives et créatives ; sur les phénomènes de concentration et de financiarisation ; sur les modes d’articulation entre filières, mais aussi entre industrie et artisanat ou autoproduction.
Ils portent également sur les politiques publiques et la régulation, lesquelles sont analysées sous trois angles. Sont étudiées, selon un premier angle, les politiques publiques visant à promouvoir la diversité culturelle et ladite « exception culturelle française » notamment dans l’industrie cinématographique et audiovisuelle. Ainsi, par rapport à l’industrie de la musique enregistrée, sont envisagés les soutiens des pouvoirs publics aux labels indépendants et, pour l’industrie du livre, le rôle des acteurs publics dans la défense du prix unique du livre ou dans la promotion du label « indépendance » plus particulièrement à ce niveau de la chaîne du livre qu’est la librairie. Ces travaux sont parfois conduits en relation étroite avec le Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation du ministère de la Culture.
Selon un second angle, suite à des travaux sur la promotion de la « société de l’information » à l’échelle nationale et internationale, sont menées aujourd’hui des recherches sur la régulation du numérique, de « l’intelligence artificielle » et du traitement algorithmique des données. Un point focal situant les rapports de force entre les acteurs publics et les acteurs des industries du numérique implique d’entrecroiser les approches discursives et socio-économiques. Sous un troisième angle, sont abordés les enjeux de politique publique (tels que le subventionnement de la production ou celui de la diffusion notamment), ceux qui touchent à l’organisation des filières (oligopoles à franges) et de la main d’œuvre (le « vivier »), conduisent à étudier comment l’entrée des industries de la communication à différents niveaux des filières d’industries culturelles, de la création à la diffusion, transforme les équilibres en place, notamment les rapports entre acteurs des industries culturelles et acteurs des industries du numérique.
Les travaux dans cette thématique conjuguent des analyses sectorielles portant sur les principales filières et domaines des industries culturelles (presse, édition-librairie, industries éducatives, productions muséales, spectacle vivant, audiovisuel, cinéma, arts numériques, jeu vidéo, design, artisanat, etc.) et analyses transversales à ces diverses filières, condition sine qua non d’une étude des modes d’industrialisation, de marchandisation et d’adaptation de ces secteurs aux contextes internationaux. Ces analyses transversales permettent d’examiner comment dans ces différentes filières, les modalités de création, production, reproduction, distribution, promotion, valorisation évoluent face à divers mouvements transversaux, dont l’entrée dans ces marchés des grands acteurs des industries de la communication et du numérique (les GAFAM en particulier) mais aussi le déploiement, qui s’est affirmé depuis les années 2010, des dispositifs de traitement algorithmique des données, de production de données massives, de deep learning et d’intelligence artificielle. Fidèles à notre approche ces dispositifs et processus sont envisagés à la fois comme des réalités matérielles et des réalités idéelles au sens de Maurice Godelier. Cela nous conduit à interroger les cadres socio-historiques d’occurrence de ces dispositifs, les représentations dont ils sont les vecteurs mais aussi les stratégies des acteurs qui s’en emparent et la façon dont ces dispositifs renouvèlent les rapports de force entre acteurs. Ce faisant la prise en compte de ces questions est au cœur des interrogations présentes sur les mutations de l’industrialisation comme de la régulation de la culture.
L’une des spécificités des approches conduites au sein de cette thématique est de mettre en perspective les industries culturelles avec d’autres activités. Ainsi, dans le prolongement de travaux sur les rapports entre industries de la culture et industries de la communication, nous sommes amenés à développer une interrogation sur les mouvements dits d’ « économisation » de la culture et de « culturalisation » de l’économie : comment des entreprises culturelles incorporent-elles des modes de fonctionnement relevant des industries non culturelles et comment des entreprises non culturelles importent-elles des modalités de fonctionnement habituelles au sein des industries culturelles et tendent-elles à devenir des industries des biens symboliques ? De la même façon, historiquement, les travaux conduits dans le cadre du LabSIC, tout spécialement ceux de Pierre Mœglin, ont concouru à la construction à la théorie des industries culturelles en s’appuyant sur des constats empiriques et des notions forgées dans le cadre de l’étude des industries éducatives étendus ensuite aux industries culturelles. Aujourd’hui, les processus d’industrialisation de l’éducation et de l’enseignement sont étudiés à travers différents prismes, celui du rôle des acteurs industriels (par exemple des « EdTech »), celui des discours et des pratiques des acteurs publics et politiques (par exemple, les « injonctions » à l’évaluation ainsi qu’à la performance dans l’enseignement supérieur), celui de la place des outils (par exemple des dispositifs numériques d’éducation et de formation). Industries culturelles, industries éducatives et industries créatives mais aussi industries de la communication ou du numérique forment ainsi un ensemble dont les interactions sont au cœur de nos recherches.
La dynamique de ces recherches nous permet aussi de relier les interrogations précédentes avec celle de la territorialisation des activités culturelles, éducatives, créatives et de la communication afin d’étudier comment le mouvement de transformation d’entreprises culturelles ou aussi d’entreprises non culturelles en industries des biens symboliques peut conduire à des valorisations par une insertion territoriale, à l’image des Smart Cities à l’Île Maurice ou des friches urbaines à Detroit. Les liens entre l’économie du foncier et celle des domaines nous intéressant sont ainsi étudiés. De même, les phénomènes de transnationalisation qui traversent les industries culturelles, éducatives, créatives et de la communication occupent une place centrale dans les travaux de la thématique. Les recherches peuvent porter sur les Nords mais un accent particulier est mis sur les Suds et tout spécialement sur l’Amérique Latine, la grande région Asie-Pacifique-Océan Indien et les pays de la région dite Mena (Middle East, North Africa). Les travaux peuvent porter sur les modalités de structuration des industries culturelles, éducatives, créatives et de la communication dans ces aires géographiques mais aussi sur le concours des acteurs, contenus et services produits au sein de ces espaces aux flux culturels mondiaux. Les questionnements liés aux plateformes, à l’intelligence artificielle, au traitement algorithmiques des données, aux crypto-monnaies, à la blockchain, et à l’insertion dans les infrastructures dont le Cloud y sont particulièrement vifs et renouvèlent les enjeux d’hégémonie.
Enfin, les travaux inscrits dans cette thématique se réfèrent à l’économie politique de la communication et à son ancrage critique dans la mesure où ils combinent l’étude des conditions matérielles de production (les enjeux socio-économiques et politiques) avec l’étude des enjeux idéologiques et sociétaux. Ce faisant différentes méthodologies sont mobilisées dont les approches socio-économiques, socio-politiques, d’usages mais aussi l’analyse des discours et des représentations, et articulées selon des appariements différenciés en fonction des problématiques auxquelles les recherches sont confrontées. Les différentes formes de « modalisation » dont les modèles socio-économiques ou les paradigmes des industries des biens symboliques tiennent une place importante dans les recherches tant pour structurer des travaux empiriques que pour concourir à la tâche permanente de questionnement et de réactualisation de la théorie des industries culturelles. Les travaux fondateurs sont ainsi confrontés aux nouvelles réalités empiriques mais aussi à d’autres courants scientifiques, très présents dans l’espace scientifique international, et qui eux aussi font des industries culturelles, éducatives, créatives et de la communication leur terrain privilégié. Parmi ces approches citons notamment les Infrastructures Studies, les Science Technology Studies (STS), les Platforms Studies, le capitalisme des plateformes, les Data Studies. Ces approches, bien qu’extrêmement différentes les unes des autres, ont en commun de constituer des défis théoriques pour les travaux se référant à la théorie des industries culturelles et d’ailleurs nombre des recherches qui se revendiquent de ces courants affichent des ambitions critiques. Cette confrontation théorique permet ainsi aux travaux qui se déploient au sein de la thématique d’éviter les cloisonnements épistémologiques et de permettre des dialogues sans cesse renouvelés avec des collègues français et étrangers.
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THÉMATIQUE 1
Industries culturelles, éducatives et créatives : reconfiguration des filières et logiques émergentes