Journée d’étude « Valeurs et temporalités : quels enjeux pour les labels culturels et créatifs ? »

Organisée dans le cadre du séminaire 

“La production de la valeur culturelle” (Labex ICCA)

coordonné par Emmanuelle Savignac

 

6 mars 2025 – Maison de la recherche Sorbonne Nouvelle, Paris

 

Comment la valeur culturelle et ses enjeux économiques, symboliques, socio-politiques, écologiques, etc. évoluent-ils à l’aune des temporalités ? Est-ce que ces dernières renforcent la valeur, la consolident, l’affaiblissent ou encore permettent de la corriger, voire de la régénérer ? Cette journée d’étude propose de corréler les valeurs et les temporalités dans l’analyse de l’appropriation et l’exploitation par tous types d’organisations des labels certifiant des qualités culturelles et créatives. Elle s’inscrit dans le cycle de séminaires dédié à la production de la valeur culturelle porté par le Labex ICCA. 

 

Dans les secteurs de la culture et de la création, les labels attribuent une valeur symbolique sur un marché concurrentiel, subventionné et mondialisé (Bouquillon, Miège, et Moeglin 2013). L’apostille des labels condense pour le public les formes intangibles de l’expertise. Les autorités qui attribuent les labels émanent d’échelons locaux, nationaux ou internationaux. Elles sont privées (associations professionnelles, O.N.G., fondations) ou publiques (localités, ministères, autorités supranationales). L’UNESCO liste le patrimoine culturel sous plusieurs titres : patrimoines mondial, naturel, immatériel, villes créatives et apprenantes. Le ministère chargé de la culture en France attribue à lui seul 11 labels associés au patrimoine (architecture et sites) et 14 à la création de spectacles vivants ou d’expositions. L’objectif affiché est celui du soutien à la “valorisation” et à la “diversité”. Le label ne serait pas facteur d’homogénéisation mais de pluralisation de l’offre culturelle et créative. Cette pluralisation soutenue par les labels est indissociable de la création volontariste de marchés à investir, la mise en concurrence des labels et, pour les gestionnaires de sites, des stratégies économiques de cumul de labels. 

 

En amont, une première approche s’intéresse au rôle des labels dans la fluctuation de ce qui mérite d’être valorisé dans le temps. Pour Tanchoux et Priet (2020), “la technique du label appliquée au patrimoine rend compte de l’ouverture du champ patrimonial à toute une série de nouveaux objets”. Cette ouverture peut être mise en relation à l’émergence parallèle d’un mode gestion de la conservation et de la transmission régi par la valeur (“value-led management”), qui se traduit par un élargissement du spectre des valeurs sans que les experts renoncent à l’autorité de nommer des valeurs intrinsèques (Worthing et Bond 2008). Dans le fonctionnement des filières et des institutions, en référence à la théorie des industries culturelles, le label interroge aussi les rapports réels et symboliques entre la culture et l’économie. En aval, l’impact des labels sur la valeur attribuée par les publics et les gestionnaires aux biens culturels fait l’objet d’un troisième type de travaux.

Cette journée d’étude a comme objectif d’associer valeurs et labels autour de trois axes : transformation des représentations, des espaces et des organisations, au prisme de la temporalité. L’angle de la temporalité invite à prendre appui sur les objets labellisés dans le temps long et de repérer les cycles qu’engage la labellisation. Que reste-t-il de la valorisation économique, sociale ou médiatique promise par les labels après plusieurs années d’obtention ? Dans le cadre de labels qui accompagnent une animation événementielle, quelles traces laissent-ils derrière eux ? Comment s’anime un label sur la durée ? A l’inverse, la valeur projetée sur les objets labellisés évolue-t-elle ?

 

La temporalité des labels prend ici son importance dans la mesure où ils désignent des qualités en lien avec des préoccupations propres à des politiques ou débats publics contemporains de leur émergence et sujets à dérivations. Les labels contribuent à l’émergence, la réactivation, la conservation et la mise en discours d’objets, de sites et de procédés. Ils s’inscrivent dans une double logique d’héritage en participant à une fixation des valeurs tout en promouvant un regard tourné vers des formes moins dominantes (culture immatérielle, identités sociales, inclusion).

Les contributions et les méthodes de toutes les disciplines en sciences humaines et sociales sont les bienvenues (sociologie, science politique, économie, anthropologie, géographie, histoire, information-communication, etc.). Elles peuvent se concentrer sur un seul site ou objet labellisé dans le temps long de son existence ou son état à une étape en particulier de son histoire. Le déploiement d’un label peut aussi être parcouru à la lumière de plusieurs objets ou sites. Les trois axes proposés ci-dessous ne sont pas exclusifs et sont amenés à se rencontrer dans de mêmes communications.

Axe 1 – Labels et reconfigurations des discours culturels, politiques et socio-économiques

Un premier point d’entrée peut questionner les discours et dispositifs qui valorisent les labels culturels et créatifs, en prenant le point de vue des autorités qui les attribuent ou des organismes qui les reçoivent, dans un contexte d’accumulation, de concurrence et de cumul. Comment ces discours évoluent-ils dans le temps ? L’enjeu qui se révèle en creux est l’instrumentalisation de la culture et de la création à des fins de justification politique (Ballester 2014 ; Gibson et Pendlebury 2016) et d’objectifs économiques (marketing territorial, branding culturel). Quels sont les facteurs de distinction du label “Ville créative” décerné par l’UNESCO et du label “Ville et métiers d’art” décerné par une association fondée par des élus locaux ? Comment les labels, qui ont parfois plus de cinquante ans, et les organisations labellisées ont-ils fait évoluer leur discours sur la culture et l’économie ? Comment les nouveaux venus se positionnent-ils ? Les labels sont des marqueurs d’exemplarité dans des espaces de communication qui peuvent être conflictuels : en faveur et en défaveur de quoi les labels et, derrière eux, des acteurs se hissent-ils ? 

Axe 2 – Labels et vie de la valeur distinctive des espaces et des territoires

Les labels culturels et créatifs affichent essentiellement des objectifs qui assument la dialectique de la conservation et du développement qu’il serait intéressant de lire au prisme de la transformation des espaces labellisés. Quels aménagements, dispositifs de médiation et d’animation sont favorisés ou freinés par l’obtention d’un label ? Quelle en est la “durabilité” dans le temps ? Il s’agit de se demander comment le label fait, refonde ou défait le lieu : être “Maison d’un illustre” ou “Jardin remarquable” façonne-t-il l’espace et sa médiation ? L’effervescence que peut produire l’obtention d’un label se maintient-elle ou entre-t-elle dans un cycle de patrimonialisation qui en fait un objet du passé ? Les pouvoirs publics et les riverains de sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO dénoncent les effets incontrôlables du tourisme et posent la question concrète de la dialectique de la conservation et du développement. 

Axe 3 – Labels et production de valeur par les réseaux de coopération

Troisièmement, la temporalité des labels culturels et créatifs peut être observée sous l’angle de la coopération entre acteurs aux intérêts divergents. Labelliser des lieux ou des initiatives peut, pour les autorités et les bénéficiaires, émaner de logiques collectives visant à susciter une activité, revaloriser des lieux déclinants, mutualiser des coûts. Ainsi, beaucoup reste à dire des effets de ces coopérations, dans la durée, sur les collectifs de travail et des publics qui en assurent l’activité et les font vivre. Les organismes labellisés se retrouvent dans des réseaux de membres, du label local à l’UNESCO, dont les manifestations et les échanges peuvent s’interroger dans leur consolidation, leurs échelles ou leur simple fonction d’affichage., L’obtention d’un label, par sa fonction normative, induit pour les équipes de travail de privilégier et de réorienter certains aspects de leur activité culturelle et créative à court ou à plus long termes. Dans quelles conditions s’immisce le label dans le travail, le langage et les représentations des différents acteurs ? Le poids du label a-t-il un impact sur la relation des organismes avec les créateurs et les artistes, dans la durée et les échelons géographiques ?

 

Calendrier et modalités de soumission des propositions :

  • Brève manifestation d’intérêt à transmettre par courriel aux organisateurs (sujet et question envisagés) : 15 décembre 2025
    • Date limite de retour des propositions (une demi-page environ : question posée en lien avec la valeur, les temporalités et les labels, le terrain choisi, la méthodologie employée et les notions ou concepts mobilisés) : 15 janvier 2025
    • Journée d’étude : 6 mars 2025

Contacts des responsables scientifiques :

 

Bibliographie citée dans l’appel :

 

Ballester, Patrice. 2014. « La mémoire des méga-événements comme instrument de la planification urbaine ? » Teoros 1 (33): 8‑19.

Bouquillon, Philippe, Bernard Miège, et Pierre Moeglin. 2013. L’industrialisation des biens symboliques. Les industries créatives en regard des industries culturelles. Grenoble: Presses universitaires de Grenoble.

Gibson, Lisanne, et John Pendlebury. 2016. Valuing Historic Environments. London: Routledge.

Tanchoux, Philippe, et François Priet. 2020. « Introduction »: In L’Univers des Normes, 11‑13. Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.3917/pur.priet.2020.01.0011

Worthing, Derek, et Stephen Bond. 2008. Managing Built Heritage: The Role of Cultural Significance. 1re éd. Wiley. https://doi.org/10.1002/9780470697856

Date

jeu 06 Mar 2025

Heure

Journée entière

Lieu

Maison de la Recherche
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